« Barbapapa. » [Eyline]

Barbapapa.

Contrairement à hier, le temps était potable aujourd'hui. Il y avait quelques gros nuages dans le ciel, mais le genre bien cotoneux et agréable, ceux qui nous rappellent que les beaux jours sont toujours présents malgré la fraicheur. Aujourd'hui, j'avais pas franchement envie de rester dans l'établissement d'Another World. Un mec du dortoir m'avait marché sur le pied, et mieux encore, il m'avait reproché de ne pas m'être poussé sur son passage. La petite baston de ce matin m'avait simplement laissé un léger bleu sur l'épaule ainsi qu'une petite blessure à la lèvre, mais rien de bien méchant. Juste assez pour que je puisse me rappeller que ce gars ne fait pas dans les règles et qu'il aime que ses potes tiennent la victime pendant qu'il tape. Je grimaçais, face au miroir, et me promettais en même temps de ne plus me faire avoir par ces mecs. Ils allaient le payer, d'une façon comme d'une autre.

Du coup, j'avais préféré partir prendre l'air en me disant que cela me calmerait probablement. J'en avais un peu marre aujourd'hui, les gens étaient chiants -comme d'habitude, certes- mais en plus j'étais un peu trop endormi pour avoir des réflexs convenables. Portant une bouteille d'eau à mes lèvres, je buvais en marchant, épuisé par le jogging que j'avais terminé. Bien deux heures et demie de course non stop, j'étais vraiment naze. Surtout que vu ma colère, j'avais un peu couru comme un dératé. Je vidai la bouteille presque d'une traite puis marchai en direction d'un arbre, projetant de me reposer sous ses branches. Mais là encore, c'était sans compter que quelque chose -quelqu'un plutôt- se mettrait en travers de ma route.

Je trébuchai sur quelque chose et manquai de m'éclater la gueule au sol. Par chance je tombai sur le côté et roulai légèrement, avant de terminer sur le dos, bras ouverts. Je lâchai un grognement de rage et tournai la tête vers la personne que j'avais percutée. Une jeune fille. Elle faisait très jeune et fragile... Je levai les yeux au ciel et soupirai.

« ... Désolé, je ne t'avais pas vue et je manque cruellement de réflexe là. »

Enfin, maintenant que j'étais allongé au sol, je n'avais plus envie de bouger. J'étais bien installé, l'herbe était fraiche et j'avais vu sur le ciel et ses nombreux nuages.

Il y en avait du monde au parc aujourd'hui. Je n'étais pas si surprise, en cet fin d'après-midi, il y avait toujours du monde. DU bruit en conséquence, mais c'était vite, très vite oublié. Je cherchais mon coin habituel, sans trop de monde, sans trop de bruits. Les gens qui aimaient simplement lire ou marcher pour profiter du temps clément de ces derniers temps. Le ciel était bleu aujourd'hui, avec plein de nuages. C'était amusant. J'aimais voir le ciel dans cet état. Je trouvais alors un coin pour m'allonger, le regard fixé sur ce morceau de rêve. Le temps semblait toujours s'arrêter dans ces cas là. Un moment apaisant, permettant d'oublier tous les problèmes. Je savais que le bleu ne se changerait pas en gris et que les nuages qui pleuraient ne viendraient pas avant quelques jours. J'avais tout monde temps, je n'avais plus cours et l'entrainement pouvait être reporté à plus tard. Il y avait trop de monde pour pouvoir utiliser le don sans que ça ne dérape trop. Je voyais du coin de l'oeil plusieurs personnes rire silencieusement, devant un ordinateur. Le son ne venait pas jusque moi, c'était un bon point.

Tout allait bien, aucun problème n'était survenu, pour une fois. Je regardais les nuages passer, les formes changer sans arrêt. SI j'avais eu sous la main du thé, c'aurait été parfait. Les lecteurs étaient comme les nuages ; je pouvais voir sur chacun de leur visage une expression différente suivant le type de livre. Mais rapidement, mon regard retourna sur le vaste étendu de tranquillité qu'offrait la nature. Mes yeux se fermaient un instant, contre ma volonté. Certainement pour rattraper les quelques heures manquées hier soir. J'aurai pu passer mon après-midi à dormir si je n'aurais pas eu la malchance de servir de pierre pour qu'une personne tombe à la renverse. Automatiquement, mes paupières se rouvrirent, découvrant alors un garçon allongé dans l'herbe. Il s'était excusé, je ne voulais pas d'ennuis mais mon cerveau décida à ma place de sortir quelque chose.

J'ai cru voir...

Je me tus. En espérant qu'il ne le prenne absolument pas mal. Mon attention se reporta sur un nuage en particulier. Je ris doucement -c'était rare, j'avais réussis à ma surprise toute seule. Tout haut, je pensais un simple :

On dirait une baleine.

C'était idiot, d'accord. Mais on aurait vraiment dit une baleine. Je ne faisais même plus attention à mon agresseur. Mais sentais tout de même sa présence. Bah, du moment qu'il ne commençait pas à vouloir se bagarrer avec une tierce personne, ça m'allais tout à fait.

Les seules fois où je ne me battais pas, c'était quand je dormais. Et encore, même si je ne me rappelais pas tous mes rêves, je pouvais être sûr que dans neuf dixième d'entre eux il était question d'un affrontement et que je me refusais -comme d'habitude- à céder quoique ce soit à mon adversaire. J'avais pas l'habitude de me laisser marcher sur les pieds. La jeune fille a côté de moi ne me fit aucune réflexion -à ma grande surprise d'ailleurs. Nombreux seraient ceux qui se seraient levés, qui m'auraient insultés. J'aurais répliqué, je me serais levé à mon tour, et ça serait parti en un combat d'injures jusqu'à ce que l'autre abandonne ou qu'on en vienne aux mains. C'était stupide, je vous l'accorde parfaitement. Là pourtant, la jeune fille ne réagit pas, elle se contente de me regarder brièvement puis de relever les yeux vers ses nuages. Je ne comprenais pas vraiment sa réaction, mais tant mieux. Le plus étrange, ce furent les mots qu'elle prononça juste après. Une... baleine ?

Sur le coup, je n'avais pas compris. Je la regardai un moment, puis en suivant son regard, je m'aperçu qu'elle parlait des nuages. Alors, moi, bien trop fatigué et un peu agacé par ma maladresse, je penchai la tête et regardai à mon tour le ciel. Une baleine... où avait-elle vu sa baleine ? Je ne la voyais nulle part. Je voyais un espèce de serpent, un beignet, un bouteille géante et une tache qui n'inspire que dalle. Quelques secondes après, je me redressai sur mes coudes pour observer plus attentivement. Par élimination, je rapprochai la bouteille géante à la baleine, bien que je ne trouve pas la même ressemblance.

« Une baleine ? C'est pourtant une bouteille, la queue serait trop courte. Et y'a pas d'ailerons. »

Je reniflai un coup. Pas pour être crade mais parce que j'avais envie d'éternuer. Je me tournai sur le côté et main sur le visage, lâchai un simple éternuement ; bizarre. Je n'avais pas froid, n'étais pas enrhumé, et n'étais allergique à rien. Quelqu'un parlait de moi ? Great, ça devait lyncher. Je me retournai à ma position initiale et pointai du doigt un autre nuage.

« Celui là ressemble davantage à une baleine, mais... en fait, non. On dirait un lapin. »

... Et me voilà en train de causer sur l'apparence des nuages. Mais bien sûr. J'étais vraiment, VRAIMENT fatigué.

Il avait entendu ? Bah, ce n'était pas grave. Non, en fait, si, c'était grave. Il venait de remettre en cause ma baleine. Une très belle baleine d'ailleurs, mais il ne devait pas regarder le même nuage que moi. Je le laissais alors dire ce qu'il voulait, l'ignorant comme j'ai toujours ignorer les autres. Ignorance qui n'allait pas rester longtemps mis en place, puisqu'il venait de transformer sa bouteille en lapin. Et je me rendis compte qu'il parlait bien de ma baleine, avec tous les détails possibles. Je ne voulais pas me battre avec quelqu'un pour un nuage, ça n'avait pas de sens. Il n'empêche que j'y tenais à ma baleine et que je n'aimais pas ne pas avoir le dernier mot. Donc ce sera une baleine, pas un bouteille et encore moins un lapin. Non mais.

Non, c'est bien une baleine. On peut parfaitement voir la forme et la tête. On dirait même qu'il nage dans l'océan bleu.

Sisi, parfaitement, j'avais raison et lui tort. Enfin, je n'avais pas à me mettre en colère pour ça, c'était trop stupide. Il en fallait bien plus pour m'énerver, et si le carnage dans ma chambre ne m'a pas fait sortir un simple râle, ce n'était pas un nuage qui allait me mettre dans un état second.

D'ailleurs, je ne le connaissais pas. Je ne l'avais jamais vu chez les Terrakinésistes, ce qui voulait dire qu'il n'était pas dans ma classe. Un kinésiste de toute manière, mais je connaissais les hydrokinésistes et les electrokinésistes de nom et de vu. Il était donc chez les pyrokinésistes ? Ou était-il chez les aérokinésistes ? En fait, dans le fond, je m'en fichais. Le connaitre ou pas ne changera en rien ma situation actuelle qui est que le nuage qui ne bougeait même plus était bien une baleine. Pas une bouteilles. Je resterais sur cette position jusqu'à ce que lui cède. Le dernier mot sera pour moi. Du moins, je l'espère, mais pour moi, le nuage était un animal en mouvement -j'aurais dis qu'il serait prêt à faire un demi-tour. Bon, ce n'était pas le genre de discussion qui pourrait me faire sourire ou même rire. Mais si ça pouvait faire passer le temps.

Vous trouverez ça débile, hein. Se battre pour un nuage. Pour la FORME d'un nuage, attention. A vrai dire même moi je trouvais ça débile, mais je n'aimais pas qu'on me contredise alors que j'étais sûr de ce que je pouvais voir. Pour moi c'était une bouteille. Mes mains trifouillaient l'herbe, arrachant quelques brindilles pour montrer mon agacement. Une baleine. Elle était vraiment sûr de ça. Punaise, moi je vois une bouteille, elle a la berlue cette petite ou quoi ? Mon sourcil tiqua un bref instant, et j'inspirai un coup pour me calmer. Sur le coup, je ne répondis pas, cherchant dans le ciel un autre nuage au cas où elle parlerait d'un autre -il me semblait qu'on parlait du même mais je ne voyais vraiment pas où elle trouvait une ressemblance avec une baleine. Je savais pas quel genre de truc elle pouvait bien fumer, mais vu sa tronche, ça ne m'aurait pas étonné qu'elle consomme quelques trucs illicites.

« ... Y'a pas de baleine, c'est une bouteille qui devient un espèce d'arbre à force de se déformer. Y'a rien qui ressemble à une baleine d'ailleurs, tu l'as rêvée ta bestiole. »

Je soupirai. Me mettre en colère pour des nuages c'était pas dans mes habitudes et sincèrement, je ne cache pas qu'à ce moment précis, je me sentais un peu ridicule. Mais j'étais tout bonnement incapable de lâcher le morceau, de céder à qui que ce soit, même concernant la forme d'un nuage. Tant que j'étais sûr d'avoir raison, il ne pouvait pas en être autrement, et ce n'était pas elle qui allait me faire changer d'avis. Lui lançant un regard en biais, j'observais la fille a côté et ne la reconnaissait pas. En tout cas, elle avait bien l'air jeune et ne devait donc pas être des fréquentations des quelques personnes que je connais. A moins qu'elle ne soit nouvelle. Je connaissais pas mal les aérokinésistes, grace auxquels nos flammes étaient beaucoup plus puissantes et menaçantes, et quelques hydrokinésiste avec lesquels j'avais quelques accrochages tellement ils me sortaient par tous les trous. Je serrai les dents ; argh ! Je les aime pas ces gens, avec leur eau, à toujours humidifer l'air pour réduire la puissance de nos flammes... Ils sont fourbes. M'en fous, plus tard je ferai bouillir leurs petites flaques d'eau, ils seront bien embêtés, peuh.

Reposant mon regard sur le ciel, j'essayais de capter une enième fois la forme d'une baleine. Tournant la tête vers la gauche, je repérais ce qui s'apparentait plutôt à un gros poisson qu'à une baleine, mais je me disais que ça suffirait peut-être à lui faire comprendre que j'avais pas la berlue, et que c'était elle qui l'avait.

« Là, ça c'est un poisson. C'est pas une baleine non plus mais ça y ressemble davantage. L'autre c'est une bouteille, je maintiens. »

Non, non et trois fois non. Ce n'était pas une bouteille c'était une baleine, une baleine. J'en étais plus que sûre et ce n'était pas un inconnu qui allait remettre en cause ma grande expérience sur les nuages. Puis d'abord il devait être shooté au LSD pour voir une bouteille. Une baleine qui montrait ses dents ! D'abord. Et en plus sa bouteille elle devenait un arbre quand elle bougeait. Ce type est un danger public pour les beaux morceaux de coton que nous offrait la nature. Il faudrait qu'il réalise enfin que la baleine est superbe quand elle bouge et que c'est pas un arbre. Mais bon, je n'allais pas me mettre en colère pour ça, ça ne servait rien. Et ça ne me mènerais nul part. N'empêche que c'était une baleine ! Je ne lâcherais pas le morceau, j'avais raison et lui tort, zut.
Le pire, c'était qu'il me montrait un autre nuage en imaginant un poisson. C'était un chat !

Non, je suis certaine que c'est une baleine. Et l'autre nuage est un chat, pas un poisson. Est-ce que tu tes drogué ?...

Je disais ça comme ça, je ne pensais pas à mal, vraiment. Il devait sérieusement sniffer quelque chose de mauvais pour sa santé pour ne pas voir la baleine et le chat. Mais en fait, peut-être qu'il était juste aveugle ? Un petit coup d'oeil me confirmait que non. Ou alors ça ne se voyait pas, mais normalement, les aveugles portaient des lunettes opaques pour ne pas qu'on voit leur yeux qui partaient généralement en vrille.

Donc j'en déduisais qu'il était complètement shooté. Je n'avais rien contre ça, c'était sa santé et pas la mienne après tout. N'empêche, ça doit franchement être dur pour lui de sniffer de la moquette en toute discression. En fait, j'étais fatiguée, je commençais à penser n'importe quoi. Pour ne pas changer lorsque je regarde le ciel quoi.

Tu devrais faire attention à ce que tu prends, c'est dangereux pour ta santé...

Bon, d'accord, faire la moral c'est pas bien. Mais c'était pour son bien ! Attend.... Depuis quand je me soucie des autres?

» Eyline ; « Keep off the grass. »
» “ Broken Chessboard ” ; Eyline.